L’émergence des Large Language Models (LLM) tels que ChatGPT, Claude, Gemini ou Perplexity a radicalement transformé le paysage de la recherche d’information. Ces outils ne se contentent plus de renvoyer vers des site Internet : ils synthétisent, reformulent et influencent directement la perception des utilisateurs sur des marques, des produits ou des services. Dans cet environnement, la présence d’une entreprise dans les réponses générées par ces IA devient un enjeu stratégique majeur.
Mais comment mesurer cette présence quand les modèles citent peu leurs sources ? Quand l’utilisateur, influencé par une IA, passe par un moteur de recherche pour accéder à un site sans que le lien de causalité soit observable ? Ces parcours posent un problème de mesure dans le champ du marketing digital.
Nous aborderons ici les leviers méthodologiques et les outils disponibles pour mesurer la présence d’une marque dans l’univers des LLM selon trois angles : la citation directe, le trafic direct et le trafic indirect.
1. Le défi de l’attribution dans les environnements LLM
Les LLM opèrent selon une logique très différente des moteurs de recherche traditionnels. Ils produisent des réponses naturelles, cohérentes, sans hiérarchisation visible ni liens systématiques vers les sources. Cette génération de contenu sans transparence crée une rupture dans les chaînes d’attribution traditionnelles :
- Absence de lien cliquable : contrairement au SEO classique, les réponses des LLM n’incluent pas toujours de liens sources.
- Synthèse multi-sources : les LLM fusionnent plusieurs sources sans signaler leur origine exacte.
- Influence sans traçabilité : l’utilisateur peut être convaincu par un contenu de marque sans jamais en connaître l’auteur.
Dans ce contexte, l’enjeu est de reconstituer les signaux faibles laissés par le comportement des utilisateurs, en complément d’une observation directe des citations produites par les modèles.
2. Pourquoi les modèles ne révèlent pas facilement leurs sources
Les LLM sont conçus pour produire des réponses fluides et engageantes, ce qui va à l’encontre de la citation exhaustive. Plusieurs raisons expliquent l’opacité actuelle :
- Objectif de compréhension, pas de référence : les modèles sont optimisés pour répondre de façon compréhensible, pas pour faire du renvoi bibliographique.
- Risque de « hallucination de source » : dans certains cas, l’IA peut inventer une source ou en attribuer une de façon erronée.
- Formats fermés : peu de plateformes LLM permettent actuellement d’analyser les logs de requêtes ou de détecter automatiquement les mentions de marque.
- Algorithmes non transparents : il est souvent impossible de savoir sur quelles données un modèle s’est basé pour produire une réponse donnée.
Malgré tout, des stratégies de mesure peuvent être déployées pour contourner ces limites.
3. Trois pistes de mesure
A. Par la citation explicite
Il s’agit de repérer les occurrences où une marque ou un site est nommé clairement dans les réponses produites par les LLM.
KPI
- Nombre de citations explicites dans des prompts ciblés
- Classement dans les suggestions de sources (ex : Perplexity)
- Share of voice IA (comparé aux concurrents)
- Position moyenne dans les réponses
Méthodes
- Constitution d’un corpus de prompts typiques (par secteur, usage, problématique client)
- Analyse manuelle ou automatisée des réponses
- Suivi régulier sur différents LLM : ChatGPT, Gemini, Claude, Perplexity
Outils
- Keyword.com (AI Visibility) : taux de citation par thématique
- Profound : détection de citations multi-IA
- Scrapers personnalisés via API LLM ou interface web
- Semrush AI Toolkit (beta)

B. Par le comportement utilisateur (trafic direct)
Il est possible d’observer une augmentation du trafic direct sur un site si les utilisateurs, après avoir vu une marque dans une réponse IA, visitent le site en saisissant directement son URL.
KPI
- Volume de trafic direct (source Webanalyse)
- Évolution temporelle du direct (avant/après campagnes IA ou pics d’activité)
- Pages d’entrée les plus fréquentes
- Taux de conversion depuis le canal direct
Méthodes
- Segmenter le canal Direct en webanalyse (ajouter des filtres par période ou landing page)
- Suivre des pics de trafic consécutifs à des mentions connues ou à la publication de contenu LLM
- Créer un segment « probable LLM user » (trafic direct, premier accès, sans source)
Outils
- Google Analytics GA4
- Hotjar / Microsoft Clarity : comportement sur la page d’entrée
- Taggage via UTMs dans certains LLM (Perplexity, You.com)
C. Par les signaux indirects (recherche post-exposition)
Un utilisateur peut rechercher sur Google une marque ou un produit dont il a entendu parler via un LLM. C’est un signal d’influence indirecte.
KPI
- Volume de requêtes brandées dans Google Search Console
- Croissance du trafic organique sur la homepage ou les pages produits
- CTR sur les requêtes brandées
- Taux de conversion sur ces entrées
Méthodes
- Analyse régulière des requêtes contenant le nom de marque
- Observation des variations de comportement autour de publications LLM
- Mise en corrélation entre prompts populaires et tendances de recherche
Outils
- Google Search Console
- Outils de webanalyse
- Google Trends
- Surveys / post-purchase questions
- CRM / HubSpot / Salesforce pour relier acquisition et source perçue
4. Outils et méthodes pour surmonter l’opacité des LLM
Pour contourner le manque de transparence des IA, il faut créer un système de suivi adapté :
- Scripts de prompt monitoring : faire tourner en continu un panel de requêtes sur différents LLM
- Dashboards personnalisés croisant citation, trafic direct et search
- Systèmes d’alerte : détection de mentions, pic de trafic, changement de requêtes
- Intégration des données IA dans le CRM : enrichissement des leads avec indicateurs d’origine potentielle
5. Construire un système de mesure robuste
Il ne s’agit pas d’un audit ponctuel, mais d’un nouveau paradigme de mesure.
Éléments clés :
- Cartographie des KPI : citation, direct, indirect, conversion
- Stack technologique : GA4 + GSC + Scraper + CRM + visualisation (ex : Looker Studio)
- Ritualisation : analyses mensuelles, dashboards par canal
- Cross-validation : recouper les données entre outils et sources
- Pilotage : fixer des objectifs de citation, suivre le SoV LLM comme on suivrait le SoV SEO
Conclusion : une nouvelle discipline de la mesure
Les LLM redéfinissent les parcours d’information. Mesurer sa visibilité dans cet univers exige de croiser données directes, signaux faibles et attribution avancée. Une marque ne peut plus se contenter de suivre son trafic SEO ou ses mentions presse : elle doit surveiller ce que disent d’elle les IA.
Nous allons vers des métriques nouvelles comme le LLM Share of Voice.