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L’apocalypse du cookie zombi

Google renonce partiellement à la dépréciation des cookies tiers au profit de sa Privacy Sandbox. Une valse hésitation dont l’IAB compte bien profiter pour proposer ses solutions face à un cookie mort-vivant.

Selon cette étude l’IAB Tech Lab, les principales limitations concernent les capacités de gestion des audiences, de rendu créatif, de rendu de vidéos, et l’interopérabilité des données. Certaines fonctionnalités sont techniquement possibles, mais considérées comme impraticables en raison de la complexité d’implémentation, limitant leur utilisation aux entreprises disposant de ressources significatives.

Les limites fonctionnelles de la Privacy Sandbox

  • Audience Management : La gestion d’audience est possible mais limitée. Des techniques telles que le « look-alike modeling » (modélisation de jumeaux) ne sont pas supportées, et les méthodes d’exclusion ciblée sont très complexes, voire impraticables.
  • Auction Dynamics : Les enchères sont gérées par le navigateur, ce qui limite la flexibilité des annonceurs et des éditeurs pour adapter les campagnes en temps réel.
  • Creative Rendering : Les options pour l’affichage de vidéos et d’annonces interactives sont très limitées, et certaines fonctionnalités standard de l’industrie, comme les tags VAST, sont impossibles à intégrer.
  • Reporting : La collecte de données pour la validation des impressions, la mesure de visibilité et les rapports de pertes d’enchères est dégradée.
  • Interopérabilité : La coopération entre partenaires de la chaîne d’approvisionnement publicitaire devient plus difficile, car certaines fonctionnalités de vérification et de transparence ne sont pas supportées.

Au final on estime de que 45% des fonctionnalités supportées par la publicité programmatique ne sont pas portables sur la Pirvacy Sandbox. Chiffre qui peut varier en raison de l’évolution rapide des technologies et des méthodes publicitaires.

Les solutions envisagées

Les solutions pour l’instant avancées dans le secteur de la publicité digitale se présentent sous les formes suivantes :

1. Centralisation et standardisation des données

La mise en place d’une plateforme de centralisation des données serait une solution qui pourrait compenser les limitations de Privacy Sandbox. Voici les principaux éléments de cette solution :

Création d’une plateforme neutre

Cette plateforme, indépendante des géants de la tech comme Google, pourrait être gérée par un consortium industriel (au hasard l’IAB Tech Lab) pour garantir la transparence. Elle servirait de point de collecte et d’agrégation de données sur la performance publicitaire, la qualité des impressions, et les statistiques d’engagement.

Standardisation des formats et des processus de vérification

En utilisant des formats de données normalisés pour le suivi des performances, cette plateforme garantirait que les annonceurs et éditeurs utilisent des métriques comparables et fiables. Elle permettrait également des vérifications de qualité des créatifs et des impressions en amont.

Accès décentralisé et sécurisé aux données

Au lieu de laisser les données circuler directement entre les partenaires, chaque entité pourrait accéder aux données pertinentes via des API sécurisées, sans exposer les informations sensibles des utilisateurs. Cela respecterait les exigences de confidentialité de Privacy Sandbox tout en permettant un suivi plus précis.

Cette approche permettrait aux entreprises de conserver un certain contrôle sur la qualité et la transparence de leurs campagnes publicitaires, même sans accès direct aux cookies tiers ou aux données détaillées d’impression en temps réel.

2. IA et Machine Learning embarqués

L’intégration de l’intelligence artificielle (IA) et du machine learning directement dans le navigateur pourrait répondre au besoin de ciblage et de personnalisation des annonces tout en respectant les restrictions imposées par Privacy Sandbox :

Modèles IA décentralisés

Chaque navigateur pourrait embarquer des algorithmes de machine learning qui apprennent directement à partir des données locales de l’utilisateur (historique de navigation, préférences, etc.), sans partager ces données avec des serveurs distants. Ces modèles d’apprentissage fédéré permettraient de conserver des données privées sur le dispositif de l’utilisateur tout en facilitant le ciblage.

Simuler des comportements d’audience

À défaut de cookies tiers, ces modèles pourraient prédire les centres d’intérêt ou le comportement d’achat d’un utilisateur en se basant sur des signaux locaux (pages visitées, interactions récentes). Ainsi, chaque navigateur deviendrait un mini-agent d’apprentissage, interprétant les préférences sans avoir besoin de transmettre des informations personnelles à des tiers.

Personnalisation sans identifier l’utilisateur

L’IA pourrait attribuer des annonces pertinentes à des groupes d’intérêt anonymes en utilisant des identifiants agrégés générés par le modèle local. Cela permettrait aux annonceurs de proposer des annonces personnalisées sans compromettre la confidentialité des utilisateurs, rendant inutile la création d’ensembles de données comportementales centralisées. Cette solution réduirait la dépendance aux données de Google, tout en offrant aux annonceurs un moyen de continuer à personnaliser les annonces.

3. Système de vérification décentralisé basé sur la blockchain

La blockchain pourrait fournir une structure de vérification et de transparence en réponse à la complexité croissante de la publicité dans l’environnement Privacy Sandbox :

Audit sécurisé et traçabilité des transactions publicitaires

Chaque enchère, impression ou clic pourrait être inscrit dans une blockchain décentralisée. Cette inscription permettrait de vérifier l’intégrité de chaque transaction, créant une chaîne de confiance où chaque événement publicitaire est horodaté, géolocalisé et validé sans qu’aucune entité centrale ne détienne le contrôle complet des données.

Contrats intelligents pour l’attribution des résultats et la gestion des budgets 

Les contrats intelligents (smart contracts) pourraient automatiser la gestion de budget et l’attribution des conversions en temps réel. Par exemple, un smart contract pourrait déclencher un paiement uniquement si certaines conditions de performance sont respectées (ex. un taux de clic minimum). Cela garantirait aux annonceurs une transparence et un retour sur investissement clair.

Système de validation de la qualité des impressions

Un système de validation distribué pourrait certifier la qualité de chaque impression. Par exemple, les validations effectuées par des “nœuds” tiers pourraient confirmer qu’une annonce a bien été vue par un utilisateur réel, minimisant ainsi le risque de fraude. Ce processus distribué renforcerait la confiance dans les impressions sans dépendre des audits de tiers.

Accessibilité et neutralité des données

En intégrant les informations dans une blockchain accessible à tous les acteurs de la chaîne publicitaire, les petits éditeurs et annonceurs seraient sur un pied d’égalité face aux grandes plateformes, car les données sont disponibles de manière neutre et équitable pour tous.

Sortir du piège du living-dead cookie

A ce stade des échanges, il ne faut oublier ni le poids de l’historique, ni le dynamisme de l’innovation.

L’historique pèse sur ces approches dans le sens où elles sont pensées dans le cadre du marché de la publicité online. Un marché qui n’a jamais fait preuve de son efficacité pour égaler la publicité pré-internet ou celle des plateformes de media sociaux (et encore il y aurait beaucoup à dire sur la fiabilité de leurs dashboards). Néanmoins les résultats tendent à montrer que le succès dépend avant tout de la proximité (l’authenticité?) et de la captivité dont sont dépourvus les parcours cross-plateforme.

L’innovation percute un marché publicitaire qui a été construit par couches successives sur des interactions de type : affichage de contenu, navigation hypertexte, saisie de mots clés, scrolling. Or nous avons bien conscience que ces éléments risquent de ne pas survivre aux bouleversements qu’induisent les LLM / ChatBOT. Ils seront à minima transformés en profondeur par l’intégration d’expériences utilisateur bien plus accessibles (regardez le search par exemple).